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Hélène Berr

Il y a 80 ans, le 27 mars 1944, Hélène Berr est déportée vers le camp d’Auschwitz-Birkenau avec ses parents Antoinette et Raymond. C’est aussi le jour de ses 23 ans.

Il y a 80 ans, le 27 mars 1944, Hélène Berr est déportée vers le camp d’Auschwitz-Birkenau avec ses parents Antoinette et Raymond. C’est aussi le jour de ses 23 ans. Deux ans plus tôt, la jeune femme a entamé la rédaction d’un journal intime alors que la persécution contre les Juifs se renforce jour après jour dans la capitale.

En 1992, Mariette Job, la nièce d’Hélène Berr retrouve le manuscrit de sa tante, après cinquante ans de recherche, chez le dédicataire du Journal, Jean Morawiecki qui le lui lègue en 1994. Elle en fait don au Mémorial en 2002 et le fait éditer en 2008.

Interview de Mariette Job, nièce d’Hélène Berr et éditrice du Journal d’Hèlène Berr.

Mémorial de la Shoah : Comment, à travers son Journal, pourriez-vous décrire la personnalité d’Hélène Berr? 

Mariette Job : Je n’ai, hélas, pas connu ma tante. Deux personnes essentielles, mes témoins bienveillants, ma mère, la soeur d’Hélène Berr et Jean Morawiecki, fiancé de ma tante, m’ont fait progressivement connaître les faits et la réalité de la courte vie d’Hélène Berr, grâce à leurs archives et à leurs témoignages écrits et oraux.

Ce qui m’a le plus impressionnée, c’est la personnalité lumineuse d’Hélène. C’est ce qui transparaît dès le début de son Journal qui s’ouvre par la citation de Paul Valéry, « au réveil si douce la lumière et si beau ce bleu vivant » et plus jeune, dans ses journaux de voyages, ses rédactions et ses lettres ; c’est une amoureuse de la vie.

Elle fait preuve d’un courage et d’un altruisme hors du commun, toujours préoccupée par l’autre, même quand le piège se referme sur elle. Elle est douée d’une intuition, d’une force de prémonition, qui lui fait décrire les faits avant qu’ils ne se produisent : l’arrestation du Vel d’hiv « La Tragédie », les conditions des déportés emmenés dans des wagons à bestiaux vers les camps d’extermination.

Dans une lettre datée de juillet 1944, ma mère écrit ces quelques lignes sur sa sœur : « Cette fille extraordinairement intelligente et sensible, dont je n’arrivais pas à comprendre souvent les pensées étranges et profondes. Quelquefois, lorsqu’elle s’ouvrait à moi, j’étais vraiment dépassée par la profondeur et l’originalité de ses idées. ». 

Mémorial de la Shoah : Quelle était la situation d’Hélène Berr pendant la guerre ? Comment expliquer sa présence à Paris jusqu’en 1944 ?  

Mariette Job : Hélène a 21 ans lorsqu’elle commence à rédiger son Journal. Elle est étudiante à la Sorbonne et prépare son diplôme d’agrégation sur le poète John Keats, dont elle sera exclue à cause des lois antijuives du gouvernement de Vichy. Son père Raymond Berr, vice président des Établissements Kuhlmann est arrêté une première fois le 23 juin 1942 sous le prétexte que son étoile jaune est agrafée au lieu d’être cousue. Il sera libéré sous caution le 23 septembre 1942, avec l’obligation de rester à son domicile, sans contact avec l’extérieur. Sa sœur ainée et son frère cadet ne sont plus à Paris. Hélène se retrouve au domicile familial, seule avec ses parents après le mariage de mes propres parents le 12 août 1943.

Elle s’engage à l’UGIF et à l’Entraide Temporaire avec sa sœur Denise, ma mère, et ma grand-mère, Antoinette Berr. Les 500 enfants orphelins dont les parents ont été déportés seront tous sauvés.

Pendant les trois derniers mois, Hélène vit cachée avec ses parents jusqu’à leur arrestation sur dénonciation par la police française le 8 mars 1944. Hélène Berr comme ses parents se sentait profondément française ( « Je suis Française – je le crierai – je n’ai que du sang de français qui bouillonne en moi » – lettre du 20 septembre 1938). Ne pas abandonner la France de Vichy, c’était pour eux, faire acte de résistance.   

Mémorial de la Shoah : Dans les dernières pages de son Journal, que peut-on remarquer ? Qu’est-ce qui change dans sa façon d’écrire ? De penser ? De vivre ? 

Mariette Job : Après une interruption de neuf mois, elle reprend l’écriture de son Journal le 10 octobre 1943. Le ton devient tout autre. L’écriture devient de plus en plus serrée. Vers la fin, certains passages sont écrits au crayon. D’une jeune fille amoureuse de la vie, elle devient de plus en plus consciente du danger, de la descente aux enfers. Elle abandonne ses passions, la Sorbonne, la musique pour se vouer entièrement au sauvetage des enfants dont les parents ont été déportés.

Elle écrit le 27 octobre 1943 : « Il y a deux parties dans ce journal, je m’en aperçois en relisant le début : il y a la partie que j’écris par devoir, pour conserver des souvenirs de ce qui devra être raconté, et il y a celle qui est écrite pour Jean, pour moi et pour lui. ».

D’une exceptionnelle maturité, elle pose des questions d’ordre éthique et spirituel auxquelles aujourd’hui encore nous n’avons pas apporté de réponses. L’aveuglement de l’inspecteur de police qui vient arrêter une petite de 2 ans et demi en prononçant ces mots : « que voulez-vous Madame, je fais mon devoir » !

Les trois derniers mots de son Journal se terminent par ces mots prémonitoires: « horror, horror, horror ».

Le 27 mars 1944, jour de sa naissance, elle est déportée avec ses parents par le convoi n°70. Hélène survivra plus d’un an. « Elle s’éteint début avril 1945, quelques jours seulement avant la libération du camp par l’armée britannique. Elle vient d’avoir 24 ans ». ( Dans les pas d’Hélène Berr, Mariette Job, éditions Le Bord de l’eau 2023)

Mémorial de la Shoah : Quel message voudriez-vous adresser aux personnes qui n’ont pas encore lu Hélène Berr ? 

Mariette Job : Son Journal est un outil pédagogique exceptionnel, une transmission d’espoir et la survivance que les bourreaux n’ont pu tuer son âme. Son Journal comme la connaissance de ses écrits lui donnent “une seconde vie”.

Il ne s’agit pas d’un énième témoignage sur la Shoah certes présente en toile de fond, mais d’un message qui s’adresse à tous, une ode à la vie qui nous interroge aussi sur notre responsabilité face aux tragédies de l’histoire.

C’est une amie qui nous ouvre sa porte, lire et relire ce texte à chaque fois différent, c’est réécouter une musique qui nous émeut à chaque fois d’une manière différente. « Une voix et une présence qui nous accompagneront toute notre vie. » comme l’écrit si justement Patrick Modiano dans sa préface du Journal.

Je tiens également à souligner que tout ce qu’Hélène écrit dans son Journal a été retranscrit par mes soins à partir de l’original. J’ai respecté à la virgule près dans son entièreté le texte et les ponctuations, le quotidien d’une jeune femme qui témoigne des lois discriminatoires, de la persécution organisée des Juifs de France, de ce qui s’est réellement passé. Aujourd’hui, ce sont des faits historiques, juridiquement prouvés.

Mémorial de la Shoah : Que souhaitez-vous que les nouvelles générations retiennent de cette jeune femme ? 

Mariette Job : Je voudrais que l’on retienne ces points essentiels :

– Sa joie de vivre, son refus de la haine, mais son droit à l’indignation, ne pas accepter les choses telles qu’elles sont. Je voudrais aussi que cette phrase qui, chez moi, fait office de précepte, puisse s’imposer auprès des jeunes : « chacun dans sa petite sphère peut faire quelque chose et s’il le peut, il le doit ».

– Les mots mènent aux actes.

– Le respect de l’autre avec ses différences, le refus des clivages, pour faire barrage à la violence et qui permet de mieux vivre ensemble.

Le texte d’Hélène Berr est tellement actuel que les élèves se sentent très vite concernés et s’identifient à elle. La majorité d’entre eux sont d’origine et de milieux différents. La lecture du Journal les fait s’interroger sur leur propre histoire en leur faisant souvent abandonner des idées préconçues sur leur attitude face aux conflits. Ils n’ont pas besoin de partager son histoire, son milieu social ou ses origines pour s’identifier à ce qu’elle vit.


Vendredi 29 mars à 19h30 : Lecture de la correspondance d’Hélène Berr et Odile Neuburger

À l’occasion de la parution de Correspondance, 1934-1944 d’Hélène Berr et Odile Neuburger, édition établie par Dominique Missika, Tallandier, 2023.

En présence de Sandrine Kiberlain, comédienne et réalisatrice, et Florence Viala, comédienne, sociétaire de la Comédie Française

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Résumé :

D’avril 1942 à février 1944, cette jeune femme juive a tenu son Journal au jour le jour. Un texte d’une qualité littéraire exceptionnelle, où se mêlent l’expérience quotidienne de l’insoutenable et le monde rêvé des lettres, où alternent à chaque instant l’espoir et le désespoir. Arrêtée le 8 mars 1944, elle est déportée à Auschwitz-Birkenau avec son père et sa mère. Elle survit presque jusqu’au bout à l’épreuve, succombant à l’épuisement à Bergen-Belsen en avril 1945, quelques jours avant la libération du camp.

Informations pratiques :

17 rue Geoffroy l’Asnier – 75004 Paris

Tél : 01 42 77 44 72

Du dimanche au vendredi de 10h à 18h. Nocturne le jeudi jusqu’à 22h

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